La société de nos jours nous impose tellement de normes que nous vivons nous vole notre liberté. Très souvent, nous nous soucions du « qu’en dira t-on? » Certes, il y a des valeurs sociales à respecter mais notre vie, c’est nous qui décidons de ce que nous voulons en faire au risque de nous priver de ce que nous désirons de tout cœur. Et cela , je l’ai appris à mes dépens. J’ai toujours voulu avoir un enfant mais j’ai failli m’en priver de peur d’être jugée par mon entourage. Aujourd’hui, j’ai réussi à réaliser mon désir, mais au prix de moult sacrifices… Voici mon histoire !!!
Robert vient de claquer violemment la porte. Encore une fois ! Comme toujours, c’est cette lâche attitude qu’il adopte ces derniers jours pour échapper à la discussion qui tourne autour du sujet de mon enfantement. J’aborde le sujet, il se dérobe; j’insiste, il se fâche et sort…Fin de la discussion.
Au fil des années, mon époux est de moins en moins réceptif à l’idée que je lui fasse un enfant. Robert a trois enfants d’une précédente union. Dès le début de notre relation, il ne me l’a pas caché. Cela ne m’a pas dérangé. Je suis de celles qui pensent qu’avoir un ou des enfants d’une précédente union avant de s’engager dans une nouvelle relation n’est pas une fatalité. Tout le monde n’a pas les mêmes chances et tout le monde peut faire des erreurs. Avec ou sans enfants, l’essentiel est de trouver en son conjoint ce qui peut nous rendre heureux. C’est ma conception de la chose ! Et c’est cette conviction qui m’a guidé vers Robert. Mon époux n’est pas le genre d’étalon à faire rêver une femme. Mais c’est quelqu’un de très posé. J’avais 25 ans quand on s’est rencontré. Il parlait d’engagement, de responsabilité et de vision… Et ses discours me séduisaient. Moi Dédé, qui rêvait du prince charmant, bel homme, riche et de tout ce qui fait rêver une femme dans la fleur de l’âge, j’ai dû tronquer mes rêves les plus fous contre un avenir plus sûr et plus stable. Ma mère, veuve, lasse de subvenir toute seule aux besoins de 4 filles, nous « poussait » toutes au mariage. Sous le coup de ses insistances, insinuations et des jeux de séduction de Robert…j’ai cédé! Je me suis très vite mise en couple avec Robert après juste 6 mois de relation. Un mariage civil, puis nous nous sommes installés ensemble avec ses enfants, désormais les miens. Les premières semaines de la cohabitation n’étaient pas très conviviales. On a fini par s’y faire. Ce n’était pas toujours facile mais nous maintenions une relation saine et tempérée. Pas trop d’affection mais pas d’animosité non plus. Mais au fil des années, je ressentais ce vide, je voulais porter mon enfant, vivre l’étape de ma propre grossesse et expérimenter les joies de la maternité.
Je partageais ce brûlant désir avec Robert. Au début il me comprenait, me calmait, me demandait de patienter. » Nous sommes encore une famille fragile. Il est important de renforcer les liens avant d’accueillir un nouveau membre » disait-il. Après c’était » Laisse-moi d’abord le temps de réaliser nos projets, ainsi leur avenir sera garanti » puis » Mes enfants sont aussi les tiens, pourquoi voudrais-tu en concevoir d’autres ? »
IL NE VOULAIT PLUS D’ENFANT
Les excuses se succédaient pour finalement devenir des sermons. Robert ne voulait pas d’autres enfants. Il était maintenant catégorique. Il me faisait passer pour la méchante femme, une mauvaise mère pour ses enfants. Notre couple en a pris un sacré coup! Je commençais à déprimer. Je ne suis pas stérile, pourquoi un homme m’ôtait-il le droit de porter un enfant alors que Dieu m’en avait donné toutes les chances ? Je n’arrivais pas à l’accepter. Je voulais un enfant, mon enfant! J’étais malheureuse surtout quand le sujet était abordé autour de moi sur les forums de femmes, dans les médias.
Six ans déjà que cette situation perdure. A mon 31ème anniversaire. Je décide d’en discuter sérieusement avec Robert, une fois de plus, il me claque la porte au nez. Une larme m’échappe. Aujourd’hui j’ai 31 ans. Esseulée et sans enfant. Triste ! Je n’ai même pas envie de fêter, je ferme la porte à double tour et je m’endors le cœur lourd. Le lendemain, un vacarme me réveille dans la maison. Annie, la petite fille de Robert a des maux de ventre. Je ne sais pas ce qui s’est passé. D’ailleurs, je n’ai pas envie de le savoir. J’ai juste envie de quitter cette maison, mettre fin à cette situation et aller loin pour me refaire. Je suis une femme après tout! Mais j’appréhende le regard des autres, la réaction de ma mère, de ma belle- famille, les railleries de mes amies. « Après toutes ces années qu’a-t-elle fait avec ce fameux mariage ». Non, je ne peux pas prendre ce risque…Je prends sur moi d’accompagner Robert qui décide d’emmener la petite au centre de santé situé à quelques mètres de la maison.
Dès que l’infirmier me voit, il s’écrie :
« Mais Madame, cela fait trois jours qu’on vous attend pour passer chercher votre résultat ».
Ah ! j’avais même oublié que j’avais fait une analyse pour savoir si j’étais enceinte ou pas suite à un retard. Acheter un test de grossesse aurait
été plus simple, mais avec Robert qui fouine partout pour s’assurer que je prends bien la pilule et que je ne fais aucun test, mon plan aurait été déjoué. Mon intention était de le mettre devant le fait accompli s’il s’avérait que je suis enceinte. Peut-être serait-il moins radical face à la nouvelle. C’est un père, il n’allait pas pouvoir rester insensible si je tombais enceinte.
La voix de Robert me tire de mes réflexions.
« De quelle analyse parle-t-il ? » Me lance-t-il avec un méchant regard !
« Ro, ce n’est rien de bien grave. Récemment j’ai eu un petit retard et… »
Il ne me laisse même pas le temps de terminer ma phrase et me dit :
« Écoute-moi bien Dédé. Si tu découvres que tu es enceinte, tu vas me faire le plaisir d’avorter. Je ne veux pas d’un rejeton, du moins, pas pour le moment. Je pense que j’ai été assez clair sur le sujet »
Le choc ! Devant la petite, devant un personnel médical qui ne connait rien de ma vie privée, Robert vient de me foutre la honte de ma vie. Un grand silence règne…Le comble!!!
C’en est trop ! Je sors du centre de santé en courant…laissant derrière moi cette grande honte, une enfant qui n’est pas de moi, un homme qui n’a que faire de moi et…ma résignation ! Depuis ce jour, je ne suis plus jamais retournée dans ce « foyer ». Ma sœur cadette m’a accueillie dans le sien. C’est la seule qui m’a soutenue dans ma décision. Dès que j’ai quitté le foyer, ma mère ne me parlait plus, j’avais jeté l’opprobre sur elle. Comment une femme mariée peut-elle quitter son mari sans aucune raison et sans l’avertir ? Surtout au moment où il a un enfant malade sur les bras ? Elle ne comprenait pas. Personne ne pouvait admettre cela. Tout le monde m’évitait. C’était difficile. J’avais prévu cela, mais pas de cette ampleur. Il m’arrivait même parfois de regretter, mais je ne pouvais pas retourner dans cette maison, je n’avais pas ce courage. Lasse de me justifier et de chercher à maintenir les relations, j’ai fini par m’adapter. J’ai laissé faire les choses tout simplement.
LES JOIES DE LA MATERNITÉ
Aujourd’hui, j’ai réussi à me reconstruire loin de tout et de tous. Je l’ai enfin conçu, mon bébé. Le père, un ami de longue date, ne s’est pas engagé avec moi. Il vit dans une autre ville et nous nous voyons de temps en temps. Rien de formel! Mais je suis très épanouie dans ma relation même si elle est encore mal vue. Je l’assume. Je suis heureuse c’est ce qui compte. Les gens me comprendront peut être plus tard. ..Et Robert aussi! Je l’ai croisé récemment dans un supermarché de la place alors que je portais fièrement ma grossesse de six mois. Ses yeux se sont longuement posés sur mon ventre rond puis il m’a lancé un regard noir avant de détourner le visage. Nous n’avons pas échangé un seul mot. J’ai souri tout simplement puis j’ai touché mon ventre. Je n’ai plus de place dans mon cœur pour la rancœur. Il est bondé d’amour pour mon bébé. Je l’attends impatiemment… Mon enfant, la chair de ma chair, ma renaissance ….
Larissa AGBENOU