Les fibromes utérins et les kystes ovariens sont des maladies très fréquentes qui touchent 50% des femmes africaines en âge de procréer. Face à ce défi de santé publique, il nous a semblé nécessaire de répondre à un certain nombre de questionnements liés aux causes, aux symptômes, et au traitement des fibromes utérins et kystes ovariens.
DEFINITION
Les fibromes et kystes sont des tumeurs (non cancéreuses) qui se localisent dans l’appareil génital féminin. On a tendance à les confondre en raison de la similitude de leurs manifestations mais chacune a sa particularité.
Un fibrome est un amas solide de tissus fibreux, d’où son nom. C’est une sorte de « boule » de fibres sanguines qui se développe sur les muscles de l’utérus. Sa localisation peut varier, tout comme sa taille, de quelques millimètres (l’équivalent d’un petit pois) à plusieurs dizaines de centimètres (apparence d’un pamplemousse).
Un kyste ovarien se développe principalement sur les ovaires. Il s’agit d’une poche à l’intérieur de laquelle se développe l’ovule, et dont la taille devient plus importante que la normale.
LES DIFFERENTS TYPES DE FIBROMES
– Fibrome sous-séreux
Il se situe à la surface externe de l’utérus. Ce type de fibrome occasionne des douleurs pelviennes aiguës et brutales.
– Fibrome interstitiel ou intra mural
Il se situe dans l’épaisseur du muscle utérin que l’on appelle myomètre. Ce fibrome peut occasionner une augmentation du volume de l’utérus, des douleurs pelviennes et des saignements abondants.
– Fibrome sous-muqueux ou intra cavitaire
Il se développe dans la cavité utérine, soit totalement, soit partiellement (le reste du fibrome pénétrant dans le muscle utérin). Ce fibrome peut être responsable de règles abondantes, de saignements en dehors des règles et de troubles de la fertilité.
LES DIFFERENTS TYPES DE KYSTES
On en distingue deux types :
* les kystes fonctionnels qui sont liés au fonctionnement anormal de l’ovaire. Ce type de kyste disparait généralement de lui-même, au gré du cycle menstruel ;
*les kystes que l’on appelle organiques, qui peuvent être liquidiens ou tissulaires. Ce type de kyste est généralement découvert de manière fortuite, à l’occasion d’une échographie par exemple et nécessite une prise en charge.
LES CAUSES
*Les fibromes
Ils sont généralement occasionnés par un déséquilibre hormonal de l’œstrogène ou de la progestérone : soit un surplus de production ou une sous-production créant un petit corps sanguin indésirable. Ce corps généré se greffe sous les tissus utérins et se forme jusqu’à prendre du volume.
Dr LAWSON-BODY Latre Dagbe, gynécologue de son état, explique qu’aucune étude scientifique n’est arrivée à établir la cause exacte de ce dérèglement. Toutefois certains facteurs pourraient favoriser l’apparition des fibromes notamment :
– La race noire (la femme noire a tendance à faire plus de fibromes que les femmes caucasiennes),
– Première menstruation à un très jeune âge,
– Douleurs menstruelles,
– Antécédents familiaux de fibromes utérins,
– Obésité,
– Âge avancé (le plus souvent entre 40 et 50 ans)
– Hypertension,
– Diabète, etc.
Certains spécialistes établissent également un lien entre l’alimentation et la naissance du fibrome. Du fait qu’il soit occasionné par une forte production d’œstrogène, il est conseillé d’éviter les aliments qui en contiennent déjà comme le soja par exemple ainsi que les aliments cultivés avec certains engrais chimiques.
*Les kystes ovariens
Le kyste quant à lui se forme dans l’ovaire suite à une production anormale de l’androgène (une hormone mâle). Les études démontrent que le fait que cette hormone soit produite en surplus perturbe la production d’ovules. La plupart du temps la présence d’un kyste est asymptomatique, donc souvent ignorée. Dans 90% des cas, les kystes sont “fonctionnels“ et ont tendance à régresser et disparaître spontanément. Les kystes dits “organiques“, plus rares, nécessitent généralement une prise en charge.
SYMPTOMES
Lorsque votre corps abrite un fibrome ou un kyste, vous pouvez observer :
– des saignements menstruels abondants et longs (des règles de plus d’une semaine) et/ou s’accompagnant des caillots de sang,
– une difficulté à vider la vessie ou des envies fréquentes d’uriner,
– une difficulté à se tenir debout ou assise,
– des douleurs au dos ou aux jambes,
– des saignements entre les règles,
– la sensation d’une masse au bas du ventre,
– des rapports sexuels douloureux, etc.
NB : Dès que vous ressentez les premiers malaises, consultez immédiatement un médecin !!!
DIAGNOSTIC
Les fibromes et kystes peuvent être découverts lors d’un bilan d’anémie ou d’un examen de fertilité. On les diagnostique par un examen gynécologique et une échographie abdominale ou pelvienne. On peut également diagnostiquer le fibrome grâce à une sonde introduite dans le vagin. Cet examen s’appelle l’échographie endocavitaire. Il permet de préciser le nombre de fibromes, leur taille et leur localisation.
IMPORTANT : Une prise en charge rapide s’impose dès que le fibrome (symptomatique) vous est diagnostiqué. Sans traitement, cette tumeur bénigne peut évoluer de manière imprévisible et engendrer des complications.
TRAITEMENT
« Il y a plusieurs types de traitements. Le traitement à administrer dépend de plusieurs paramètres notamment de l’âge, de la symptomatologie, de la taille des fibromes et de leurs localisations ou encore de la fertilité de la patiente », explique Dr LAWSON-BODY. Globalement, lorsqu’ils sont plus petits, un traitement médical ou hormonal est administré. Il peut s’agir d’une pilule contraceptive, d’une injection sous cutanée mensuelle bloquant les cycles, d’anti inflammatoires contre les douleurs, ou encore des hémostatiques pour limiter les saignements.
Quand ils ont atteint 5cm et plus, et qu’ils font souffrir, la seule solution qui est préconisée avec la médecine moderne est une opération chirurgicale. Il en existe deux types : la myomectomie et l’hystérectomie.
La myomectomie : ou ablation du fibrome par laparotomie (chirurgie pratiquée au niveau de l’abdomen). C’est une intervention chirurgicale au cours de laquelle on retire les fibromes. Elle est privilégiée pour les femmes désireuses d’une grossesse après le traitement.
L’hystérectomie : ou ablation de l’utérus. C’est une intervention au cours de laquelle toute la partie de l’utérus qui est affectée est retirée avec le ou les fibromes. Ce traitement est proposé aux femmes qui ont de très gros ou très nombreux fibromes. Après ce traitement la patiente ne peut plus avoir d’enfants.
Il existe des techniques alternatives à la chirurgie notamment :
La Myolyse : Une technique d’électrocoagulation des fibromes
L’Embolisation Utérine : Une intervention qui consiste à boucher les vaisseaux sanguins qui constituent ou qui nourrissent la tumeur
La Thermodestruction par ultrasons : consiste à détruire la tumeur par un système d’échauffement. Cette récente technologie est encore difficile d’accès et coute très cher.
FIBROMES, KYSTES ET GROSSESSES
On peut tomber enceinte lorsqu’on porte un fibrome ou un kyste, tout dépend de sa localisation et de sa taille. Toutefois, il faut noter que fibrome et grossesse ne font pas bon ménage. C’est surtout le cas d’un fibrome sous-muqueux qui peut être cause de difficultés à la nidation d’un œuf fécondé causant ainsi l’infertilité. (voir image ci-dessous).
*Dans les autres cas, en cours de grossesse, le fibrome a tendance à augmenter de volume sous l’influence hormonale et l’accouchement peut survenir prématurément. L’accouchement par voie basse est en général possible, mais le risque d’hémorragie extrême est majoré ; c’est pour cela qu’une césarienne est très souvent préférable.
*Plusieurs femmes se plaignent également de la résurgence du fibrome après une opération, Dr LAWSON-BODY explique : « Une fois qu’une femme opérée du fibrome ne tombe pas enceinte et qu’elle continue par avoir des règles, il est fort probable qu’elle ait à nouveau des fibromes ». De manière générale, le fibrome se nourrit du sang. Par conséquent, tant que le sang continue à couler à l’intérieur du corps, une hygiène de vie stricte s’impose après un traitement de fibrome au risque (très élevé) de faire une récidive. Il est recommandé de suivre à la lettre les conseils du médecin traitant. Après une opération du fibrome, il est vivement conseillé d’attendre au minimum six(6) mois avant de songer à une grossesse, le temps de bien cicatriser.
TEMOIGNAGES : Mon expérience avec le fibrome.
Des femmes partagent leurs histoires.
Solange KOBLAN, coordonnatrice de la plateforme ‘KFM – Kyste Fibrome Myome*- Mon expérience de femme’ a décidé de briser le spectre du silence et de favoriser les échanges sur la maladie depuis son expérience personnelle.
« J’ai souffert d’un kyste ovarien et de fibromes durant 20 années sans savoir ce que c’était. Je me sentais tout le temps fatiguée. Je manquais de motivation, mes règles étaient abondantes et leur durée pouvait s’étendre à 12 jours de saignements. J’étais tout le temps anémiée. Quand j’ai compris enfin que c’était un kyste avec des fibromes, j’ai subi une laparotomie après une année d’hésitation. Après mon opération, je cherchais des informations complémentaires pour ma convalescence. J’ai vu qu’il n’y avait aucun groupe d’échanges. C’est ainsi que l’idée m’est venue d’en créer un. A la base, je voulais avoir des informations pour ma convalescence. Mais c’est l’effet contraire qui s’est produit. Je recevais beaucoup de questions et cela m’a fait plaisir de partager mon expérience », raconte-t-elle.
(ndlr : Le myome est le ‘germe’ d’un fibrome)
Comme Solange KOBLAN, certaines femmes ont accepté de partager anonymement leur expérience sur la maladie.
Une autre femme de la communauté KFM témoigne : « On a découvert au cours d’une échographie que j’avais un fibrome d’environ 5 cm. Il grossissait jusqu’à atteindre 10 cm. Mon gynéco m’a envoyé voir un chirurgien qui m’a dit que l’opération présentait un risque pour une éventuelle grossesse (je n’avais pas d’enfant). Du coup j’ai choisi de prendre un traitement hormonal pour tenter de le faire réduire avant une grossesse. Il est revenu à sa taille initiale de 5 cm mais 1 an après, mon fibrome a recommencé à grossir pour mesurer 10cm alors que j’étais tombée enceinte. En fin de grossesse, il était à 16 cm. C’était compliqué, j’ai été prise en charge en urgence et ma fille est née par césarienne sous anesthésie générale. Elle allait heureusement bien et moi aussi.
Dix jours après, j’ai eu de fortes douleurs difficiles à supporter. De retour aux urgences, je fais une échographie et sur la base des résultats, me parle d’une possible nécrobiose du fibrome, on me propose une hystérectomie… Coup de massue pour moi qui venait d’avoir un seul bébé. La quête d’un autre traitement n’a pas abouti. Mon fibrome était très gros et mon accouchement récent m’exposait à plusieurs risques.
Finalement 12mois après mon accouchement, j’ai subi une nouvelle opération. J’espère me remettre très vite et avoir la chance d’avoir un autre bébé ».
Témoignage d’un autre membre KFM : « on m’a découvert le fibrome lorsqu’il mesurait juste 6 cm. J’ai pris toutes sortes de produits naturels dans l’espoir qu’il se résorbe mais le myome au fil des années ne faisait que grossir et se multiplier. Après 3 ans d’automédication, c’est devenu pire, je ressentais de fortes douleurs et j’étais obligée de me garnir tous les jours pendant 2 ans, mes règles étaient tellement abondantes que je ne pouvais plus sortir. J’ai fini par me faire opérer et depuis je me porte très bien ».
Autre expérience du fibrome : « J’ai 36 ans et j’ai un fibrome utérin en extérieur de la cavité. Depuis le mois de mars dernier il est passé de 5 à 8 cm. Il est douloureux et appuie sur les organes voisins. Je perds beaucoup de sang, et je suis anémiée en continu. Récemment, ma gynécologue m’a proposé une opération mais avant, m’a mis sous traitement hormonal.
J’ai réagi très mal aux hormones. J’ai dû arrêter en urgence après 6 mois, car j’étais devenue gravement dépressive et j’avais de violentes douleurs. Je réfléchis pour l’heure à une autre alternative. Que Dieu me fasse grâce ! »
Le fibrome touche beaucoup de femmes qui se résignent au silence. Sans doute du fait qu’il n’existe pas d’activités ou d’actions universelles concernant la maladie (pas de journée mondiale), nombreuses sont celles qui ne connaissent pas le mal. Malheureusement, elles en subissent parfois longtemps les effets secondaires avant de comprendre de quoi il s’agit.
Larissa AGBENOU