Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de tonnes de vêtements de seconde main sont déchargées au Port Autonome de Lomé en provenance d’Europe, des Amériques ou de l’Asie. Au fil des ans, le marché de la friperie est devenu une affaire juteuse au Togo. Circuits, avantages, coûts, tout savoir sur le commerce de la friperie très prisée par les togolais.
Les Origines
Au départ, les vêtements de seconde main provenaient de Londres. « Le commerçant devait payer une partie du coût total de la marchandise, au moment de passer la commande. Dès que la marchandise arrivait sur place, il payait le reste pour prendre le ‘bill of loading’ (la feuille de chargement de la marchandise). On lui envoyait une liste du contenu, et c’est avec le‘bill of loading’ qu’il devait payer les frais de douanes ou faire le dédouanement. A part Londres, d’autres importaient la marchandise depuis la Pologne, l’Allemagne et l’inde (en ce qui concerne les ‘Sari’ et autres spécialités indiennes)» explique Mummy Ola (dont la famille est dans le commerce de friperie depuis plus de 50 ans).
De nos jours la marchandise vient d’un peu partout : du Canada, des États-Unis, d’Australie, de France, de Belgique, voire de Chine car les prix sont plus abordables, mais la marchandise est de moins bonne qualité. La provenance des produits dépend aussi de la marchandise sollicitée. S’il s’agit par exemple des habits, des chaussures, et des sacs, l’occident est plus sollicité que l’orient.
Le traitement et la constitution des ballots
Il y a deux (2) façons de traiter les ballots de friperie :
– Il y a des marchandises qui sont déjà emballées à l’arrivée et qui pèsent habituellement 55 Kg (il s’agit des petites balles).
– Il existe aussi ce que les «Ibo» appellent les ‘Giant’. Ce sont des ballots de plus de 1tonne. Dès que ce type de marchandises arrive, il faut engager des ouvriers temporaires qui se chargent de scinder le contenu (jeans, pantalons en tissus, chemises, robes, corsage, les collants (leggings), les habits d’enfants ou de bébés…). Le tri se déroule dans des magasins loués à cet effet à Assiyéyé (grand marché de Hédzranawé).
Les Nigérians grossistes appellent cette opération : le rangement par ‘item’. Ils reconstituent des ballots de 55 Kg, pour les revendre ensuite aux détaillants.
Les différentes qualités ou les choix
D’abord, au moment de l’achat des ballots de friperie, le détaillant choisit de prendre les marchandises de « Grade A » et/ou celles de « Grade B ». La marchandise de grade A étant de meilleure qualité, elle est donc plus chère.
Dans la vente au détail, on parlera :
– des produits de premier choix,
– de deuxième choix
– et de ce que les Ibo appellent les « gnama-gnama », ou les ‘chiffons’ : c’est dans ce dernier lot que se retrouvent les habits tachés, effilochés ou déchirés. Le client qui achète dans ce lot doit être alerte, et s’il est chanceux, il remporte le jackpot en trouvant de très belles choses à vil prix.
La friperie de luxe
Certains grands magasins de prêt-à-porter s’approvisionnent en friperie. Ils optent souvent pour les premiers choix de la marchandise de Grade A, qui sont des vêtements jamais portés ou portés une ou deux fois (toujours neufs), des tissus de qualités ou des habits de grandes marques. Ils les achètent assez chers sans s’inquiéter, car ils pourront les revendre beaucoup plus chers après un tour au pressing.
Ces tenues, une fois placées sur les mannequins ou sur des cintres et exposées en vitrine, n’ont plus rien à voir avec les friperies du marché. Elles deviennent des tenues prêt-à-porter tout simplement.
Les meilleures trouvailles de ces grands magasins sont les costumes complets et les robes de mariées, qu’ils revendent très chère.
Le bonheur des mamans et des jeunes filles
Un grand nombre d’adolescentes et de jeunes filles de Lomé trouvent leur bonheur vestimentaire dans la friperie. Le coût réduit est un gros avantage : « Avec 20 000FCFA par exemple, si je vais dans une boutique, c’est à peine que je m’offre une robe, mais avec cette même somme, je m’offre carrément une séance de ‘shopping’ au marché de fripes », explique en souriant Anaïs, élève en classe de Terminale.
Certaines vont directement à la source (grand marché de Hédzranawé ‘Assiyéyé’), pour se procurer les meilleurs choix à l’ouverture du ballot. D’autres se rendent dans un coin du grand marché d’Adawlato appelé ‘Achawo-kpédji’ pour sélectionner leurs vêtements (jeans pantalons, corsages, soutient gorges et autres sous-vêtements). D’autres qui ont plus de moyens financiers préfèrent acheter de la friperie de boutique.
Les mamans se font aussi plaisir avec la friperie en s’offrant quelques robes, collants ou camisoles ‘Abloni’ ; mais c’est surtout pour leurs enfants qu’elles se ruent vers la friperie. Les habits et chaussures pour enfants sont très prisés en friperie. Les vêtements d’occasion pour bébés (nouveau-nés à 2 ans) ou ‘Children rummage’ sauvent les nouvelles mamans. Il y en a même qui font tout leur trousseau, en friperie.
Une bouée de sauvetage pour la jeunesse
Les étudiants togolais doivent une grande reconnaissance à l’existence de la friperie dans le pays. Leurs moyens limités ne leur permettent pas de s’offrir des vêtements et chaussures chers. Plusieurs d’entre eux s’habillent bien, grâce aux vêtements d’occasion. Il suffit de se trouver quelques pantalons jeans, des chemises et des T-shirts pour faire une bonne rentrée scolaire et ne plus se faire de soucis jusqu’à la fin de l’année.
Le business ‘Abloni’ n’est plus seulement l’affaire des Nigérians Ibo. De jeunes nationaux déscolarisés s’en sortent, grâce au commerce de la friperie. Ils sont nombreux ces jeunes hommes et femmes qui en ont fait leur gagne-pain.
La vente de friperie en ligne
La vente en ligne de divers produits, y compris la friperie explose actuellement au Togo. Ainsi l’on peut facilement remplir son panier virtuel de friperie, payer en ligne et se faire livrer chez soi.
Aujourd’hui la friperie n’est pas seulement limitée aux vêtements. Tout peut se trouver en friperie : sacs, accessoires mode, bijoux, lunettes ou verres, ceintures, chaussettes, lingerie, sous-vêtements, gants, chapeaux etc. Aujourd’hui, les boutiques de friperie poussent comme des champignons dans presque tous les quartiers de Lomé ainsi que dans les grandes villes de l’intérieur du Togo pour le plus grand bonheur des populations.
Andréa Magnim