Elle a représenté le Togo sur de grandes scènes à l’international, Officier de l’Ordre du Mérite, Afia Mala est l’une des rares artistes togolaises à recevoir le prix Découverte RFI et à chanter sur tous les continents, mettant notre drapeau à l’honneur. C’est la vie de la Diva que nous découvrons dans cet entretien exclusif. Afia Mala dans un style détendu et fort sympathique, nous parle de tout ce que nous ignorons d’elle. Entrepreneure et commerçante, femme au grand cœur elle nous rappelle que rien n’est facile et que si l’on travaille ardemment, le rêve peut devenir réalité.
Bonjour diva AFIA Mala. Merci d’avoir accepté l’invitation de Dagan magazine. Vous êtes une artiste et une princesse respectée, présentez-vous à nos lecteurs et nos lectrices.
Bonjour à toute l’équipe de Dagan magazine, merci pour cette invitation ; Permettez-moi de passer le coucou à tous vos lecteurs et lectrices. Considération et bénédiction à la Directrice de publication. Pour répondre à votre question, eh ! bien je suis Afiwavi Mawulana Catherine MISSOHOU épouse HALES alias Afia Mala, artiste de la chanson africaine, Togolaise et fière de l’être. Princesse des rives du Mono de part ma lignée, je veux dire de mes deux parents. Aujourd’hui Officier de l’Ordre du Mérite, distinction que j’ai reçue pour services rendus à la nation va-t-on dire, ma musique, mon engagement social.
Où êtes-vous née et où avez-vous passé votre enfance ? Combien de frères et sœurs avez-vous? Quel genre d’enfant étiez-vous ? Capricieuse, turbulente ou plutôt timide ?
Je suis née à Vogan, j’y ai passée toute mon enfance. J’ai fait une partie de mes études sur place, et vu que mon père était enseignant, il nous a fallu beaucoup voyager par moment. Côté frères et sœurs, j’avais une grande famille, papa étant polygame. Mais rassurez-vous j’ai eu une enfance formidable. Alors mon caractère (rire) je peux dire que je ne suis ni turbulente ni capricieuse. Enfants, nous étions tous timides mais cela ne veut pas dire que de temps en temps nous ne sortions pas de notre zone de confort. De plus c’est quoi la timidité ? Ne pas assumer certaines choses en public, mais seulement quand la voie est libre (rire) et c’est à ce moment où l’on peut faire le mur (rire), vous voyez ce que je veux dire, j’espère.
Racontez-nous un peu votre enfance dans cette famille polygame ? Quels étaient vos rapports avec votre père, vos mamans et vos autres frères et sœurs ?
Belle enfance et ambiance familiale de choix. Je me rappelle que mes mamans se partageaient la cuisine chaque semaine. Cette semaine c’est telle maman, l’autre semaine c’est une autre, on les appelait toutes mamans. Il n’y a jamais eu de la mauvaise humeur et de jalousie, difficile d’en remarquer de toute façon tellement les choses se passaient bien. Concernant mes rapports avec mon père ! Je dirai plutôt le rapport de mon père avec tous ses enfants ; je le précise car il ne faisait pas de différence entre nous, il nous aimait tous à sa façon. On savait qu’il était sévère, là je vais vous faire rigoler (rire). Papa voyageait beaucoup, lors d’une de ses absences on s’était dit mes frères et moi que ce serait bien qu’il ne revienne pas ! (rires) Et oui, ça ! Ce sont les enfants.
A quel âge commence votre d’histoire d’amour avec la musique ? Comment est vécue cette passion par votre entourage ?
Disons plutôt que c’est la musique qui est venue à moi. La maison était toujours bercée par de la musique. Ma mère avait un groupe de Habobo qui se réunissait tous les weekends ou une fois le samedi, elles composaient, écrivaient des chansons accompagnées de leurs instruments de musique traditionnelle, c’était fantastique. Et pendant mes temps libres, je demandais la permission à mon père d’y assister, c’est pendant ces moments que la passion est née. L’entourage était sous le charme, il faut le reconnaitre, j’étais un peu comme une idole pour mes frères et soeurs, ils adoraient. On avait des moments de musique, les filles interprétaient Bella Bellow, Akofa Akoussa ou encore Miriam Makeba, les garçons, Mamo Lagbema ou encore Dama Damahouzan. J’avoue que tout le monde a rêvé de faire de la musique, il n’y avait pas que moi.
Quel genre d’élève étiez-vous ? Pouvez-vous nous raconter une anecdote que vous gardez de votre vie écolière ?
On va dire une élève assidue, souvenez-vous que je vous ai dit que j’avais un père enseignant donc je n’ai pas négligé mes études. Jusqu’au lycée je faisais toujours partie du tableau d’honneur. L’école pour moi fait partie de la belle époque de mon parcours, j’en garde de bons souvenirs. Une anecdote ! (rire) Avec ma meilleure amie Dégué Berthe et moi Missohou Catherine Afiwavi, on avait décidé d’avoir un nom d’emprunt pour faire genre (rire) on était dans notre monde, vous voyez. J’ai donc choisi Gomido et elle Kpémikpé (rire) ce duo nous a valu quelques fessées au mât ; ça nous a vraiment traumatisées en tout cas. Je vous laisse imaginer ce que l’on était mais attention on était très intelligentes et toujours au tableau d’honneur, on ne se laissait pas faire, et moi à l’époque je me voyais déjà vedette, je chantais. Oups ! J’ai failli oublier, il y avait un pagne à l’époque qui s’appelait Ewoélé kpowagbo, Berthe et moi l’avions acheté, imaginez donc Gomido et Kpémikpé dans cette tenue osée (rire). A la même période, je faisais aussi beaucoup de sport, le 800m, j’étais aussi très attirée par le théâtre. Nous quittions Vogan pour Lomé, nous logions au Lycée Saint-Joseph et nous allions faire des représentations au stade. Mon père n’était pas toujours d’accord mais je faisais avec.
Que diriez-vous à une jeune fille qui tombe enceinte pendant sa scolarité? Pouvez-vous partager votre histoire avec nos lectrices ?
Je suis tombée enceinte en classe de 3ème et je m’en rappelle très bien. Je n’hésite pas à en parler car je voudrais dire à la jeune fille qui me lis que si elle est dans ce cas à cette heure, eh bien ! Ce n’est pas la fin du monde. Faire une bêtise ne veut pas dire que l’on ne peut pas remonter la pente et que l’avenir est gâché, non, c’est faux. Vouloir c’est pouvoir. Après mon accouchement je suis retournée sur les bancs, j’ai recommencé le lycée. Ce que je voudrais que vous reteniez, c’est qu’il faut se dépasser et il faut savoir rebondir. Aujourd’hui, regardez-moi je ne peux pas dire que je n’ai pas réussi ma vie, je remercie le Tout Puissant pour cela.
Quels sont les petits métiers que vous avez exercés par le passé ? En faisant ces petits commerces, imaginiez-vous être un jour une Diva ?
A l’école primaire, j’étais très entreprenante, je savais que si j’allais vendre mes bonbons au marché, je pourrais me faire un peu d’argent. Et donc les vendredis, jour du marché je disais à ma mère de m’en faire beaucoup et j’allais en vendre après l’école. À l’époque, le marché s’animait à partir de 17h, et comme le samedi il n’y avait pas d’école, j’étais décidée à vendre mes bonbons, mes toffees, mes agnantans, mes arachides. Au lycée, je vendais du nouga, que je mettais dans de petites bouteilles, à mes copines à crédit et après, je récupérais mon argent. Je vendais aussi du riz, du haricot et pendant la saison des mangues, je vendais des mangues. Pendant les grandes vacances je venais à Lomé au Port pour tirer les filets avec les pécheurs et en retour ils nous donnaient beaucoup de poissons, poissons que je revendais sur place ou que je ramenais à Vogan. Avec l’aide de ma tante, on les faisait frire pour les revendre le lendemain. J’allais aussi à la frontière à Aflao pour acheter les poissons que l’on appelait Vétimé, genre de poissons fumés qui venaient du Ghana, et je les revendais à Lomé. J’avais donc un petit fond de commerce et je me faisais un peu d’argent. Fallait voir mes tenues pour la rentrée scolaire (rire) ce n’était plus papa ou maman qui s’en chargeait, et j’achetais mes propres pagnes, super non ! (rire) voilà. Concernant la chanson, et bien ma réponse est oui ! Je savais que j’allais devenir ce que l’on peut appeler une vedette mais je ne pensais pas à la diva. Je chantais pendant les semaines culturelles, à l’époque il y avait de petits festivals par-ci par-là, 3ème festival, 4ème festival, interview 77 où l’on devait représenter nos circonscriptions et préfectures et j’étais toujours parmi les trois retenus. Imaginez la première fois que je suis venue à Lomé ! Vous auriez dû me poser la question (rire) ! J’ai quitté mon Vogan natal pour la capitale, c’était ouf ! Les feux tricolores et tout le reste (rire) houlà là !
En 1974, votre rêve commence à devenir réalité à partir de votre toute première prestation au Palais des Congrès de Lomé à l’occasion du Festival de la Chanson. Qu’est-ce que vous ressentez la première fois que vous montez sur scène ?
Vous savez ce que l’on appelle le trac ? Je l’ai toujours jusqu’aujourd’hui. J’étais allée au Palais des Congres qui se faisait appeler à l’époque la Maison du Parti ou La maison du RPT, j’ai vu et rencontré ce que l’on appelle diva ou star. Ils scintillaient de partout, il y avait Myriam Makeba, Louga François, Aicha Koné, je les regardais dans mon coin avec une peur bleue. Dès que l’on a appelé mon nom, je suis montée sur scène franchement, moins un, j’allais faire pipi (rires). J’étais très jeune à l’époque, ce n’était pas donné à tout le monde de partager la scène avec ces icônes, j’avais très peur, néanmoins j’ai fait ce que je pouvais, il y avait une première sélection, une deuxième, j’ai été recalée à la troisième, j’ai beaucoup pleuré car je tenais à aller plus loin, jusqu’au bout de la compétition mais ça n’a pas été le cas.
Revenons plus en détail sur votre pseudonyme AFIA MALA ? D’où vous est venue l’idée de prendre un pseudo ?
Franchement je sais juste une chose, je ne me suis pas levée un matin pour me lancer dans la musique ou signer le nom de scène Afia MALA. Il y a eu du chemin et comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai beaucoup donné de ma personne comme tout artiste je pense. Je vais vous dévoiler la genèse de mon nom d’artiste. Mon nom de scène, je le dois à un grand Monsieur, un journaliste, Aboti Deou Fomensah, il faisait des photos romans à l’époque, j’ai eu le privilège de figurer entre ces lignes, je m’en rappelle bien, j’étais l’héroïne d’un des ses ouvrages baptisé l’Oracle, et comme il savait que je chantais et qu’il y avait probabilité qu’il soit mon impresario, il m’a proposé Afia MALA ; il trouvait que mon pseudonyme Afia Cata Mala était trop long, proposition que j’ai validée. Aujourd’hui, je suis très fière d’avoir été parrainée par ce grand monsieur. Paix à son âme.
Quel est le morceau qui vous a révélée ?
C’est le morceau « Ten Hompte » (la terre noire) que j’avais composé quand j’étais au lycée de Vogan. J’ai eu la chance d’avoir au lycée, notre secrétaire qui était losso, je m’en souviens comme si c’était hier. Il y avait également un artiste qui s’appelait Batoma Blackma, paix à son âme, qui chantait en losso dont j’étais fan. J’ai fait cette confidence à notre secrétaire comme quoi je désirais faire une chanson en losso, il m’a dit : « ok, fais le texte en français et apporte-le-moi, je t’aiderai » Je me suis exécutée et une fois que j’ai réussi phonétiquement la chanson, et bien la terre noire est née, « Ten Hompte ». C’est ce morceau qui m’a révélée.
En 1984, vous gagnez le prix des auditeurs du concours Découverte de RFI. Racontez-nous un peu cette aventure avec RFI.
C’était une très belle aventure et je vais vous dire pourquoi (rire). Ce sont les auditeurs qui ont aimé cette chanson et qui ont voté pour qu’on me décerne le prix des auditeurs. Automatiquement RFI m’a proposé une tournée où étaient déjà embarqués de grands noms de la musique, Ray Lema, Master G et plus encore. J’ai participé à cette tournée qui m’a fait connaitre dans le monde et surtout en Afrique notamment en Afrique de l’Ouest. C’était fantastique, une belle expérience.
Quelles sont les tournées musicales qui vous ont le plus marquée et surtout quelle a été votre plus belle scène ?
Les tournées qui m’ont le plus marquée sont celles que j’ai faites aux côtés de RFI, mais la tournée avec Aragon Orchestra était la plus grande. Ma plus belle scène était au Kazakhstan, Almaty. J’y suis allée deux fois, une première fois avec un ami journaliste Benson Diakité où j’ai représenté le Togo. Je tiens à préciser que c’est la France qui a favorisé cette expérience. Le premier prix avait été arraché par l’Italie, le 2ème par le Kazakhstan et le 3e par le Togo. C’était un concours européen et j’étais la seule représentante d’un pays africain et Benson Diakité le seul africain dans la salle (rire). La deuxième fois on y est allé en tant que Guest Star. On y a retrouvé d’autres guests comme Julio Iglesias, Patricia Kass, bref plein d’autres grandes figures. Ces deux scènes m’ont vraiment marquée.
Vous êtes la première femme à avoir fait un album avec l’Orchestra ARAGON, orchestre d’état cubain, entièrement composé d’hommes. Comment avez-vous pu réaliser cette prouesse ?
Vous savez, je suis une artiste qui touche à tout. Du jazz au zouk en passant par la variété, je ne suis pas une artiste figée dans un registre. L’Afrique a été bercée par la salsa afro-cubaine, conséquence de la colonisation, ce qui se ressent en Afrique de l’Ouest, au Togo comme au Bénin avec les da Silvera ou de Souza. Vous savez, en musique, on a vite fait le tour (rire).En écoutant Jonas Pedro ou le groupe Africando, j’ai tout de suite su que je voulais faire de la salsa, j’ai donc sollicité un ami, Daniel Cussac, paix à son âme, et avec l’aide de mon mari qui savait que c’était un rêve que je chérissais, nous sommes allés à Cuba. L’Orchesta ARAGON est un orchestre d’état. Il fallait donc passer par les autorités cubaines pour prester avec eux, c’est ce que nous avons fait. Une fois arrivée sur le sol cubain, j’ai été reçue par le ministre de la culture et j’ai rencontré plein d’autres personnes ; c’est ainsi que j’ai fait un album avec cet orchestre mythique et d’autres stars comme Rubal Caba qui a eu trois fois le Grammy Awards, un autre dont j’oublie le nom qui a joué à la batterie puisque c’était du live dans les studios E Gray M. Il y avait aussi la présence du meilleur percussionniste Tata Güines (Le roi du tambour). Mon album était le dernier sur lequel il a joué, paix à son âme. J’ai vraiment vu du beau monde, j’ai collaboré avec Lioto âgé de 70 ans dont le père a écrit l’une des plus belles chansons de cuba ; j’ai rencontré aussi Carmen Flores avec qui j’ai fait une chanson, il vous suffit d’écouter juste l’album pour retrouver toutes ces voix. C’était une belle expérience, si c’était à refaire je le referai.
Pouvez-vous nous citer le nom de quelques artistes avec lesquels vous avez presté ? Quel est votre meilleur featuring?
Mon featuring coup de cœur c’est celui avec le grand Lokua Kanza sur le titre « Mateso », un titre interprété en Swahili, c’était magnifique. Des collaborations, je peux vous en citer encore que ce soit avec des artistes ou des choristes, sur le titre « Lonlon vevie » vous entendrez la voix de la diva Jocelyne Beroard ; sur
« Angelina » vous reconnaitrez la voix de Charlotte Dipanda, sur « Plaisir » celle de Nanyaka Bell. Je peux parler de ma collaboration vocale avec Mike Amounane, Mbilia Bell, la liste est longue.
Vous parlez plusieurs langues, et vous avez chanté en plusieurs langues. Comment avez-vous appris à parler toutes ces langues ? Et laquelle vous est la plus agréable à chanter ?
C’est facile quand on vit dans un pays 3 ou 4 ans, on finit par s’habituer à la langue et pour nous qui sommes artistes, plus on se frotte aux autres cultures, plus on se familiarise avec le dialecte. Moi, je suis une personne curieuse qui pose beaucoup de questions et j’aime apprendre. J’ai vécu au Kenya, au Nigeria, aux deux Congos, en Asie, en Europe et j’ai vite fait d’assimiler le Swahili, le lingala, le yoruba, le bambara, le Malinké, l’Espagnol, l’Anglais etc… Au Nigeria j’ai tout fait pour aller voir King Holé, Femi Kuti et même Christy Essien, qui n’est plus aujourd’hui, qui a interprété le titre Shekurere, morceau que j’ai repris, un classic qui n’a rien perdu de son charme. Mais je reconnais que la langue dans laquelle je suis le plus à l’aise est ma langue, l’Ewe (rire), le watchi aussi que j’adore. N’oublions pas le mina, bien-sûr. Une fois que vous chantez en Ewe, le mina coule de source. Je parle aussi le kotokoli et le losso. Mon pays le Togo est riche de dialecte. Une fois que vous chantez dans une, deux ou trois langues, la quatrième suit automatiquement. (Rire).
Pour vos 15 ans de carrière, vous avez fait déplacer Jocelyne Beroard. Votre secret ?
Merci de poser la question, que de beaux souvenirs qui me remontent à l’esprit. Nous avons gardé de bonnes relations Jocelyne Beroard et moi depuis l’album « Lonlon vevie ». Et donc pour mes 15 ans de carrière j’ai souhaité l’inviter, mais vous savez que les membres du groupe KASSAV se déplacent toujours ensemble. J’ai donc sollicité une amie, Michelle Lahanaa Lagazelle, manager de Youssou N’dour afin de convaincre Jocelyne Beroard de venir seule car le groupe avait quelques soucis avec des producteurs véreux en Afrique et j’en passe, bref. Michelle a réussi à la convaincre et c’est comme ça que sa venue a été possible.
Que pensez-vous des artistes chanteurs togolais qui ne veulent vivre que de la musique ?
On doit vivre de ce que l’on fait, c’est la logique. Mais de vous à moi, est-ce qu’un artiste au Togo vit de son art ? Ou dit avoir réussi grâce à son art ? Moi je ne pense pas. Avec mon âge et l’expérience que j’ai eue dans la musique, je ne pense pas. On essaye juste de joindre les deux bouts. Je suis convaincue que si tous les artistes avaient la possibilité de faire autre chose, ils le feront, ils n’en ont juste pas l’opportunité. J’en connais beaucoup et même très connus qui font plein de choses à côté ; Ils ont commencé petit mais aujourd’hui leurs affaires ont grandi, que ce soit dans l’immobilier ou l’hôtellerie, au pays ou ailleurs. Combien de personnes connaissez-vous qui ont acheté un tableau de Jimi Hope, Ou un CD d’Afia Mala, King Mensah et j’en passe ?
Vous avez quitté la scène pendant un moment avant la sortie de votre dernier album ? Pourquoi cette pause ? Qu’avez-vous fait pendant cette absence ?
C’est dû à plusieurs analyses et questionnements. De par mes nombreux voyages, je me suis rendue compte que d’autres peuples avaient préservé leur culture, leur tradition, leur identité, Quelle était donc la mienne ? En Asie, en Europe, en Amérique, que visitons-nous ? Les temples, les cathédrales, ailleurs les mosquées etc… Il me fallait retrouver d’où je viens vraiment. Cette quête identitaire m’a couté six ans afin d’aboutir à l’album « Identité ». Elle m’a emmenée loin dans les contrées reculées du Togo comme au Bénin, il m’a fallu me rendre dans des endroits insolites, me prosterner comme dans les temples en Asie, allumer des bougies pour apprendre avec un profond respect auprès de ces vieux sages afin de savoir qui je suis et puiser dans cette richesse culturelle et musicale que nous avons. Voilà notre culture, voici qui nous sommes, nos divinités que nous indexons de sataniques (rire). L’arc-en-ciel dont je fais mention en chanson il existe jusqu’en Irlande, sortons, cherchons. L’arc-en-ciel est cet escalier par lequel Bouddha est descendu, c’est aussi par ce même chemin qu’Iris a annoncé le déluge à Noé. A vrai dire nous adorons un seul Dieu à qui nous donnons plusieurs appellations : Bouddha, Shiva, Ganesh, Dieu, Allah, Jésus, God, Mawu et je vous laisse continuer. « Identité » est sorti et je cherche encore.
Quel est le message que vous voulez faire passer à travers ce dernier album intitulé « Identité » ?
Ne soyez pas figés, cherchez. Il y a un sentier devant nous, qu’il faut emprunter pour atteindre l’autre bout. C’est cela notre culture, c’est cela l’Afrique. L’Africain n’a peur de rien ! On a traversé des océans, des champs pleins d’épines. Aujourd’hui nous portons des cicatrices, des cicatrices que nous assumons. Il est important d’assumer notre culture, ce n’est pas une galette que l’on mange et après que l’on jette, non. Pourquoi une représentation toujours négative de l’Homme Noir avec des yeux rouges et une longue queue noire ? Je ne suis pas d’accord avec tout ça, nous n’avons rien fait de mauvais pour que nos aïeux ne soient pas appelés « saints ». Mon grand-père, c’est mon saint ; Ma grande mère, qu’a-t-elle fait de mal pour que je ne puisse pas prier en son nom ? C’est ça l’Afrique.
D’un côté un peu plus personnel, avez-vous eu le soutien de votre époux tout au long de votre carrière musicale ?
J’étais déjà Afia MALA quand j’ai rencontré mon époux. J’étais déjà entrepreneure, pour preuve, on s’est rencontré dans mon hôtel. Aujourd’hui, ce que je peux dire, ce monsieur m’a comprise et moi aussi je l’ai compris. C’est un grand homme aujourd’hui, et je peux dire que derrière un grand homme il y a toujours une grande femme (rire).
Vous avez entièrement rénové une Ecole Primaire Publique à Vogan. Pourquoi avoir porté votre choix sur cet établissement ?
Avant la rénovation, cette école n’était pas dans un bon état. J’ai eu écho de la situation et une fois sur place on a avisé avec ma Fondation « Vie et Vivre ». On a fait ce que l’on pouvait pour le bonheur des enfants. Je suis née à Vogan, j’ai grandi à Vogan, j’ai joué et rêvé à Vogan, si je peux faire quelque chose pour Vogan, et bien, je le ferai à la hauteur de mes moyens. Ma Fondation « Vie et Vivre » se bat pour donner un meilleur lendemain aux enfants défavorisés. Grace à la bibliothèque mise en place, nous permettons à ces enfants de s’instruire à travers les livres qu’ils n’ont pas la possibilité d’avoir, nous mettons des moniteurs à leur disposition pour les encadrer, nous payons leurs scolarités et en temps de fête nous nous organisons pour leur offrir des cadeaux et un moment de réjouissance digne de ce nom.
Parlez-nous un peu de la marque déposée « AM ».
La marque « AM » a été créée en plein covid. J’étais là à me tourner les pouces, et je ne pouvais pas rester là sans rien faire ; pas de spectacle, pas de répétition etc… j’ai tout de suite pensé au beurre de karité car j’ai des cocoteraies et des palmeraies. J’ai donc cueilli mes noix de cocos et mes graines de palmes, j’en ai fait de l’huile de coco et de l’huile de palme comme le faisait ma mère ; C’est de là qu’est née l’idée de faire du savon. J’ai donc mis en pratique les astuces de ma mère et ses recettes secrètes (rire). Mon entourage a commencé à me poser beaucoup de questions : « qu’est-ce que tu mets pour avoir une peau si fraiche etc… ? » (Rire) J’en ai donné à quelques amies qui ont beaucoup aimé et m’ont demandé d’en faire pour eux, du coup, il fallait voir comment l’emballer etc… la marque « AM » est née comme ça et déposée AM. Le prix varie entre 1000, 1500 et 2000 Frs ; le beurre de karité que je fais, je l’achète à Kangnikpara entre la frontière Bassar/Ghana. Je vends aussi un peu de maïs, du gari, du haricot (rire)
Quels sont vos regrets ?
Je n’ai pas de regrets ; si c’était à refaire et par le même cheminement je suis prête. Pas de regrets.
Quels sont vos projets ?
Nous avons tous conscience qu’en ce moment les esprits sont surchauffés par la crise sanitaire due à la covid-19. Des projets j’en ai, mais pour le moment ils sont dans le placard (rire), on attend le bon moment.
Quel regard portez-vous sur la musique togolaise ? Peut-on parler de nos jours d’une identité musicale au Togo ? Quels conseils pouvez-vous donner à la jeune génération de chanteurs togolais ?
La musique Togolaise a pris de l’ampleur ces dernières années. Nous avons d’excellents ambassadeurs comme King Mensah ou encore Toofan et j’ai foi que beaucoup d’autres vont suivre. Concernant l’identité musicale, hum ! Ecoutez ! J’ai lancé une pierre dans la marre avec « Identité » et j’ai foi que les autres vont suivre le pas et faire peut-être plus. Je vous ai parlé de ma musique et de mon parcours, les coups durs il y’en aura toujours. La piraterie, le manque de structure etc… mais on ne va pas lâcher l’affaire. Je pense que ces institutions finiront par arriver mais en attendant, que faisons-nous ? Il faut mettre la main à la pâte, joindre l’utile à l’agréable et ne pas attendre les producteurs, structures, et que sais-je encore.
Quel message avez-vous à l’endroit des jeunes filles qui vous admirent et qui voudraient vous ressembler ?
Je leur dirai que rien n’est facile. N’attendez rien de personne et moins encore d’un homme. Travaillez dur pour y arriver car franchement aujourd’hui une jeune fille qui n’a pas réussi ne trouvera pas un bon mari. Derrière un grand homme il y a une grande femme, je ne cesserai de le dire.
Question « Midjilagnan » : Il y a quelque chose que vous ne pouvez pas vous passer de manger tous les jours. Nous voulons savoir ce que c’est ?
Je ne peux pas me passer de manger la pâte de maïs. Je dois en manger au moins une fois par jour, sinon deux à trois fois par jour (rire)
Faites-vous du sport ? Quelle est votre couleur préférée ?
Oui je faisais du sport comme je l’ai dit plus haut (rire) mais bon aujourd’hui je fais du fitness, de la natation et de la marche. Ma couleur préférée c’est le blanc.
Votre mot de fin ?
Je remercie Dagan magazine pour m’avoir consacré du temps et m’avoir permis de sortir des souvenirs enfouis en moi (rire), j’ai passé un bon moment avec vous, j’en suis comblée. Juste encourager une fois encore les jeunes filles et femmes, « ne lâchez rien mesdames. Tant que l’on vit il y a de l’espoir ».