Qui est Professeur Kafui KPEGBA ?
Je suis KPEGBA Kafui, titulaire d’un Doctorat de chimie organique de l’Université de Caen en France. Enseignant-Chercheur à l’Université de Lomé depuis 1990, Professeur Titulaire (CAMES) enseignant la chimie organique. C’est dans cette même spécialité que s’inscrivent mes recherches ayant abouti à la publication d’une vingtaine de travaux scientifiques. J’ai été, par ailleurs, enseignant-chercheur associée au Laboratoire de Chimie Bio-organique à Florida Institute of Technology (FIT), Melbourne, Floride, USA. Sur le plan administratif, après avoir été Responsable Pédagogique du Master International Eau, Environnement et Santé (MI2ES) créé par la Chaire UNESCO « Femme, Science et Gestion Raisonnée de l’Eau en Afrique de l’Ouest » affiliée au réseau des chaires UNESCO sur l’Eau, de 2010 à 2013, je suis nommée, depuis octobre 2014, 2ème Vice-Présidente de l’Université de Lomé, chargée de la vie universitaire. Je gère sous le contrôle du Président de l’Université, l’administration de la vie universitaire (la coopération universitaire, la vie sociale, culturelle et sportive, la gestion du domaine universitaire…). Sous un autre registre, j’ai occupé plusieurs postes de responsabilité politiques au Togo. J’ai été députée à l’Assemblée nationale de 1994 à 1999 et ai été gratifiée par plusieurs distinctions honorifiques aussi bien dans mon pays qu’en France et en Afrique.
Parlez-nous un peu de votre enfance. Où êtes-vous née ? Quel genre d’enfant étiez-vous ? Quel était votre environnement familial ?
Je suis née à DANYI APEYEME, (Préfecture de DANYI) dans la région des Plateaux. Fille de charismatique chef de Canton, bien connu en son temps aussi bien au Togo que dans la Région de la Volta au Ghana. Ma mère, deuxième épouse de mon père, n’a pas connu un cursus scolaire, mais était douée d’une intelligence inimaginable. Elevée dans une famille polygame conservatrice des valeurs traditionnelles, vous pouvez aisément imaginer ce qu’a été mon enfance. Toutefois, les difficultés du moment, au lieu d’être un frein à mon évolution, ont plutôt forgé mon caractère et m’ont préparée à affronter les vicissitudes de la vie.
De votre enfance à aujourd’hui, pouvez-vous nous relater votre parcours scolaire? Etiez-vous prédisposée à embrasser une telle carrière ? Pourquoi avoir choisi d’être Enseignant- Chercheur ?
Très tôt, à l’âge de 7ans, j’ai été éloignée de mes parents pour vivre avec une de mes cousines qui a demandé à m’élever. Mais contrairement à l’idée de m’avoir pour fille, puisqu’elle n’en avait pas, cette cousine m’a plutôt traitée comme un garçon. Après ma réussite à l’examen du CEPE et au concours d’entrée en classe de sixième, je suis retournée auprès de mes parents dans mon village où j’ai fait mes études de collège (de la 6e en classe de 3e) et obtenu mon diplôme de BEPC. Mon village, ne disposant pas d’un lycée à cette époque, j’ai dû quitter à nouveau mes parents pour m’installer à KPALIME dans la Préfecture de KLOTO, où j’ai été inscrite en classe de 2nde D. Du fait que j’étais très brillante en Mathématiques et en Physique-Chimie, j’ai été transférée de la 2nde D en 1ere C. En trois ans, j’ai obtenu mon BAC Série C avec mention Assez-Bien. C’est donc à partir de la classe de seconde que la voie pour une carrière d’enseignante s’est dessinée. Je participais régulièrement au travail de groupes, où j’étais souvent au tableau expliquant les exercices aux camarades. Pour moi, c’était déjà une passion.
Qu’est-ce qu’un enseignant-chercheur ? En quoi consiste cette profession ?
Un enseignant-chercheur, comme son appellation l’indique, a deux missions fondamentales. Il est avant tout un enseignant, mais aussi et surtout un chercheur. En sa qualité d’enseignant, il transmet des connaissances aux apprenants, généralement des étudiants, à travers des cours magistraux, des travaux pratiques (TP) ou des travaux dirigés (TD). Son enseignement est souvent nourri par les travaux de ses pairs, les résultats de ses propres expériences en laboratoire et sur le terrain. Au titre de sa mission de chercheur, il effectue de la recherche (fondamentale ou appliquée) dans un domaine bien précis, généralement sa spécialité. Il doit publier dans les revues scientifiques, les résultats de ses travaux afin de les faire profiter aux autres enseignants chercheurs, chercheurs, étudiants, etc. A ce titre, il produit de la connaissance qui participe au développement de la communauté.
Quels sont les travaux de recherche que vous avez effectués ? Quels en ont été les impacts sur notre société ?
En France, j’ai eu à réaliser la synthèse des molécules ou substances difficilement séparables de façon spécifique et sélective pour les rendre actives (synthèses stéréosélectives). J’ai également fait de la recherche aux Etats-Unis, à Florida Institut of Technologie (FIT) où j’ai effectué, entre autres travaux, l’étude du fonctionnement de la vision qui n’est rien d’autre qu’une suite de réactions chimiques afin d’expliquer la cause de certaines maladies de la vision. Puis, j’ai réalisé également la fixation de molécules sur de l’or pur à l’aide de liaisons chimiques, en vue de déposer directement, à l’aide d’un fil avec de l’or au bout, un produit sur une cellule malade dans l’organisme (c’est de la nanotechnologie). Je dirige actuellement, à l’Université de Lomé, un laboratoire de Chimie organique et de substances naturelles où, avec mes assistants, mes étudiants en Master et en Doctorat, nous travaillons sur les plantes médicinales, les huiles essentielles (les aromes) et les huiles végétales non conventionnelles (des huiles des graines qui ne sont pas encore exploitées). Mes travaux de recherche sont donc pluridisciplinaires et ne peuvent qu’impacter positivement le développement de notre société.
Quel est, selon vous, le grand défi des enseignants chercheurs au Togo ?
Les universités ont trois principales missions : l’enseignement, la recherche et le service à la communauté. L’accomplissement de ces missions repose essentiellement sur les enseignants chercheurs. Au Togo, les enseignants chercheurs s’acquittent, plus ou moins bien de leurs fonctions d’enseignant. Ils font également, dans des conditions difficiles, des efforts en matière de recherche. Le véritable challenge, est l’exploitation des résultats de leur recherche pour qu’elle contribue effectivement au développement de leur communauté. Ce défi ne relève peut-être pas de leur seule responsabilité. Mais je pense que les enseignants doivent trouver un mécanisme leur permettant de rendre davantage service à la communauté. Il y a également un effort à faire pour professionnaliser les formations dans nos universités pour accroitre le taux d’employabilité des jeunes. Il y va de la responsabilité des enseignants chercheurs, mais aussi de celle de l’administration universitaire qui est entièrement engagée. A l’Université de Lomé, l’équipe dirigeante actuelle dont je fais partie en est conscience et s’y emploie sans relâche.
En tant qu’enseignante, quels sont vos relations avec vos étudiants ? Quelles sont vos exigences ? Selon vous, comment vous perçoivent-ils ?
Pour ma part, la relation est cordiale entre mes étudiants et moi, depuis toujours, emprunte de convivialité et de respect mutuel. Le respect de l’autorité, de la hiérarchie, de l’ainée, l’assiduité aux cours, la rigueur et le travail bien fait, font partie des exigences de ma vie. Il s’agit des valeurs qui m’ont permis d’arriver là où je suis et c’est tout ce que j’attends de mes étudiants afin que la relève soit correctement assurée. Toutefois, je pense qu’il serait plus indiqué de poser cette question directement aux étudiants qui sauront vous répondre en toute objectivité.
Première femme à être nommée au poste de la Vice-présidence de l’Université de Lomé. Aviez-vous imaginé être à ce poste de responsabilité le jour où vous avez foulé le seuil du campus pour la première fois ?
Vous savez, dans la vie, il y a des choses dont la survenance relève de l’ordre des surprises ou des inattendus absolus. Si je vous disais que dans mon plan de carrière, j’avais projeté de faire partie de l’équipe dirigeante de l’Université qui m’a formée, alors j’aurais manqué d’honnêteté envers Dieu, vis-à-vis de moi-même et envers vous. Je voudrais, avant tout, témoigner ma gratitude aux autorités de mon pays qui m’ont fait confiance en me nommant à ce poste. Mais je puis aussi vous dire que ma foi chrétienne (je suis très croyante) m’a appris qu’il n’y a point de hasard dans la vie d’un enfant de Dieu. Je veux simplement dire que ma nomination au poste de 2e vice-présidente de l’Université de Lomé, qui fut une grande surprise agréable, a été planifiée par Dieu, le Tout-Puissant qui m’assiste au quotidien dans l’accomplissement de ma mission. Voyez-vous, ma vie est un destin planifié par Dieu et qui se réalise selon sa Volonté et en son Heure.
Parlons un peu de la Présidence de l’Université. Quel est le rôle de cet organe ? Et quelle est votre charge au sein de cette institution ?
La présidence coordonne l’administration générale, oriente et assure la mise en œuvre des différentes politiques en matière de formation et de recherche à l’Université de Lomé. En ma qualité de 2e vice-présidente de cette institution, je m’occupe de la Gestion de la vie universitaire (gestion du domaine universitaire, coordination des activités de la coopération, des activités culturelles, artistiques, sportives et des œuvres universitaires, etc.).
Première femme à ce poste de hautes responsabilités, seule femme au sein d’une équipe dirigeante masculine, comment vivez-vous ce manque d’équité du genre ?
Doit-on véritablement parler d’un manque d’équité ? Je ne saurais le dire, puisque dans l’équipe dirigeante, il n’y a que trois postes. Dans ce cas, on ne peut jamais s’attendre à une répartition équitable genre des postes. Ce que je peux dire, mes collaborateurs et mon chef hiérarchique ne m’ont jamais considérée comme une femme en me faisant subir par exemple, des comportements discriminatoires. Au contraire, nous travaillons en bonne intelligence, conduisant ainsi à des résultats probants. Pour moi, c’est le plus important.
Pouvez-vous conclure que les femmes d’aujourd’hui, à compétences égales, ont les mêmes chances de s’en sortir que les hommes ?
Vous avez bien fait de prononcer le mot fétiche : « compétences ». Pour que les femmes se fassent respecter par les hommes, il faut qu’elles soient compétentes. Si certains comportements discriminatoires envers les femmes continuent dans certains milieux professionnels, c’est en partie lié au manque de compétence de certaines de nos sœurs qui pourtant, ont des responsabilités. Ma ligne de défense a toujours été ceci :
Donc en clair, à compétences égales, les femmes ont la même chance de réussir, parfois, mieux que les hommes.
Quels sont les principaux défis que vous souhaitez relever à ce poste ? Surtout en faveur des étudiants ?
La vie universitaire que je gère, en ce qui concerne les étudiants, est surtout orientée vers les œuvres universitaires (le transport, la restauration, la santé), d’une part, l’éclosion des talents dans les domaines artistiques, culturels et sportifs, d’autre part. Mon souhait et en même temps ligne de défense, dans un monde de plus en plus compétitif, où les seuls diplômes universitaires ne donnent plus la garantie d’accéder à un emploi décent, est que l’Université puisse créer un cadre normatif nécessaire à l’éclosion des talents. Nous voulons avoir plus d’étudiants artistes, plus d’étudiants talentueux dans les disciplines sportives à l’Université de Lomé. Bref, notre université du futur doit être un vivier de talents dans divers domaines, prenant part à des compétitions de haut niveau, servant pour eux de tremplin pour s’insérer dans la vie active, un peu comme par le passé, j’étais étudiante à l’Université du Benin (devenue Université de Lomé) avec « Benin Université Club » (BUC)
Sur la base des différentes étapes de votre parcours professionnel, quel conseil pouvez-vous donner aux jeunes, en particulier à la jeune fille qui désire bâtir une carrière professionnelle aussi remarquable que la vôtre ?
Les jeunes doivent avoir à l’esprit que seul le travail paie. Très souvent, quand les étudiants nous regardent, ils pensent que tout a été rose. Mais quand nous nous mettons à leur raconter nos histoires de vie, empreinte de « galère », comme ils aiment bien le dire, des mêmes problèmes auxquels ils sont confrontés aujourd’hui, c’est alors que certains se ravisent. D’autres même n’y croient pas. J’ai l’habitude de dire que ceux qui abandonnent au premier obstacle, sont des gens qui n’ont pas la volonté de réussir. Ce sont d’ailleurs des lâches. Comme le dit l’adage, qui veut aller loin ménage sa monture.
Pour les jeunes filles particulièrement, je suis outrée de la façon dont, certaines, par naïveté, se comportent vis à vis des hommes. Malgré les interpellations, sensibilisations et diverses autres campagnes, nos filles et petites sœurs ne veulent pas se ressaisir et ne comprennent pas ce que la concentration pour les études pourra leur apporter comparativement aux petits plaisirs éphémères que leur proposent les garçons voire des hommes plus âgés qu’elles. Cependant, nous continuerons la sensibilisation qui est la seule arme dont nous disposons aujourd’hui. C’est pourquoi je souhaite que les radios, les magazines, les journaux, les télés, etc. intensifient la sensibilisation. Que des modèles de femmes ayant réussi leur vie soient présentés devant ces jeunes filles en perte de vitesse, comme le fait si bien déjà votre magazine. Nous finirons par gagner à coup sûr la bataille.
Vous incarnez l’image de la réussite pour la jeune étudiante. Vous avez du charisme. Que dois faire une jeune fille pour vous ressembler ?
Elle doit d’abord concevoir son projet de vie. Ensuite, elle doit se définir les objectifs qui lui permettront de réaliser ce projet de vie. Il lui faudra, par ailleurs, de la concentration, de la persévérance, de la détermination, de l’abstinence et du courage pour y arriver. L’autre qualité qu’elle doit chercher à avoir, c’est la résilience qui est la capacité qu’a un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit des circonstances traumatiques. Vous me demanderez sans doute, qu’en est-il des moyens ? Oui, les moyens sont indispensables pour y parvenir. Mais vous n’êtes pas sans savoir que dans la vie, ce ne sont pas toujours ceux qui ont de grands moyens à leur disposition qui réussissent. En la matière, mon parcours est un témoignage vivant.
Que ressentez-vous devant une jeune fille qui abandonne ses rêves ? Avez-vous déjà été témoin d’une telle situation ? Et quels conseils pouvez-vous lui donner ?
De la peine et de la déception, voire de la souffrance. Parfois, de l’incompréhension, car abandonner, baisser les bras n’a jamais été la solution, bien au contraire ! C’est une fuite en avant. J’ai vécu plusieurs de ces cas, jusque dans mon village, surtout dans le cadre de travail avec notre Association dénommée « Femmes Togolaises pour le développement de la Science et Technologie (FTPS&T) » qui se bat pour accompagner les filles et les aider à se maintenir dans les filières scientifiques à l’Université de Lomé et y réussir. Que dire dans ces genres de situation ? La vie est un combat et ce n’est jamais facile pour personne. Il faut donc se battre, accepter de souffrir aujourd’hui pour s’assurer un avenir meilleur avec la grâce de Dieu.
Le poids de la culture dans l’éducation de la jeune fille est parfois préjudiciable à sa formation. Qu’est-ce que vous en pensez et comment y remédier ?
Entendons-nous bien sur la signification du mot culture. Dans ce contexte précis, je pense qu’il ne s’agit pas, d’une somme de connaissances, ni du choix d’un domaine de connaissances (littérature, beaux-arts et sciences, par exemple), encore moins, d’une forme idéale. Pour ma part, il s’agit d’une manière collective de vivre le monde, naturel et surtout social, un type d’insertion, un style de vie… Cette précision faite, la question qui en découle est de savoir dans quel environnement culturel familial évoluent les jeunes filles de sorte à compromettre leur formation ? Il faut reconnaitre que du fait de la démission de certains parents, des jeunes filles se font prendre au piège et sacrifient ainsi leurs études. L’environnement familial de la jeune fille en matière d’éducation est déterminant et particulier. Les parents doivent éviter de faire de l’éducation sexuelle un tabou pour leur fille. Parce que, ce que les parents ne leur apprennent pas dans la cellule familiale, elles le découvrent dans la rue ou à l’école. Dans ce cas, elles peuvent en faire un mauvais usage. Les conséquences deviennent alors désastreuses. J’en appelle donc à la responsabilité des parents. Inculquons les bonnes manières à nos filles, car ne l’oublions jamais,
Par ailleurs avec l’intrusion des médias dans nos vies un peu partout jusque dans nos campagnes les plus reculées, les parents savent aujourd’hui qu’une fille qui réussit sa formation est un trésor pour ses parents, sa famille et sa communauté. Nous devons continuer par sensibiliser également sur ce plan.
Comment Dagan Kafui KPEGBA définit la femme togolaise sur le plan social et sur le plan professionnel ?
La femme togolaise est une femme battante, engagée depuis la nuit des temps. Elle a toujours répondu présente dans les temps forts de la vie politique et socio-culturelle de notre pays. Avec un sens aigu de la recherche du bien-être de sa famille, elle est dévouée et prête à se sacrifier pour ses enfants, son foyer et pour les autres.
Mère, épouse, femme professionnelle… comment arrivez-vous à accomplir toutes ces tâches et à jouer pleinement votre rôle au sein de la société et dans votre cercle familial ? Que conseillez-vous à la jeune fille qui a peur de faire carrière au risque de sacrifier sa vie familiale ?
C’est généralement complexe et compliqué ; mais, on s’en sort toujours en étant très organisé, rigoureux avec soi-même, en respectant scrupuleusement le programme qu’on s’est établi soi-même et en ne remettant jamais à demain ce qu’on peut ou ce qu’on doit faire aujourd’hui. Aussi est-il nécessaire de réussir à avoir le soutien des enfants et surtout, de son conjoint. À la jeune fille, je dirais ce n’est jamais simple. Mais la vie est faite de choix et à mon humble avis, abandonner ou écourter une brillante carrière pour des questions de vie familiale (se marier, avoir des enfants) n’est pas fondé. Je leur dirai de se faire plaisir en réalisant d’abord leurs rêves, de s’épanouir dans leur formation et dans leurs études, et s’il y a des hommes qui les aiment et veulent les épouser, ils sauront les attendre et les accompagner jusqu’au bout de leurs rêves.
Vous avez été, pendant la période de 1995-1999 l’unique femme à siéger à l’Assemblée Nationale Togolaise pour le compte de votre parti UTD (Union Togolaise pour la Démocratie), aujourd’hui CPP. Comment vous êtes-vous sentie quand les résultats sont tombés ? Comment avez –vous vécu cette période ?
Ah ! Vous voulez parler des résultats issus des bureaux de vote. Je les ai accueillis avec joie et beaucoup d’humilité, car mon adversaire n’a pas démérité. Surtout, qu’il s’agissait d’un membre de la famille. C’est pour vous dire que nous étions dans des élections véritablement démocratiques. Mon passage à l’Assemblée nationale en tant que députée élue, a été des moments de bonheur, de peine et de tristesse. Bonheur, car étant la seule parmi les 81 députés, je portais sur mes épaules, non seulement les causes de la gent féminine togolaise que j’avais le devoir de défendre, mais également, je représentais avec bravoure, mon pays dans les grandes instances parlementaires de par le monde. Moment de peine, parce que j’ai le sentiment d’avoir accompli une mission non achevée où l’incompréhension et l’intolérance avaient pris le dessus. Triste, parce que cette assemblée issue d’un vote libre et démocratique, n’a pas réussi à mettre le Togo sur le rail de la véritable démocratie. L’intérêt partisan et les ambitions personnelles ont été plus privilégiés.
Comment Dagan Kafui Kpegba a réussi à convaincre son électorat à porter son choix sur elle à une époque où la gent féminine n’était quasiment pas représentée dans ces instances ?
Mon élection comme député dans la circonscription de DANYI pour siéger à l’Assemblée, est le résultat du travail de longue haleine avec et pour la population. C’est cette population elle-même qui a suscité et a porté ma candidature. Ma personne en tant que jeune dame, enseignant chercheur, avec un diplôme de Doctorat en chimie, suscitait de la curiosité et finalement de l’adhésion des électeurs. Il faut aussi dire que cette élection était facilitée par le programme proposé aux électeurs. Elle est aussi due au soutien et à la compréhension de mon époux et de ma famille qui m’ont épaulée.
Quel souvenir gardez-vous de cette expérience parlementaire ? Qu’avez-vous à partager avec les jeunes à l’issue de ce parcours ?
Un passage plein d’enseignements tant sur le plan national qu’international. Je dirai aux jeunes d’être audacieux et d’assumer leurs choix, qu’ils soient travailleurs, battants et résilients.
Quelle image souhaitez-vous laisser aux générations à venir ?
Je voudrais simplement que mes filles et mes sœurs s’inspirent de mon exemple, pas forcément comme un modèle parfait de réussite, mais surtout, comme une source d’inspiration en se disant ceci : « si madame Kpegba a pu réussir, pourquoi pas nous ? » Vous l’aurez compris, l’image que je voudrais laisser aux générations à venir, c’est celle d’une femme battante, combattive et résiliente.
Quels sont vos meilleurs moments en famille ? Avez-vous pu transmettre votre passion pour la science à vos enfants ?
Les moments de partage de tous genres aussi bien à la maison qu’en dehors. Le tout n’est pas d’être quotidiennement ensemble mais c’est l’intensité et la qualité des moments passés ensemble. Si aucun de mes enfants n’a fait ni les Mathématiques ni les Sciences physiques comme moi-même, ce n’est pas parce qu’ils ne le pouvaient pas car ils ont été très doués dans ces domaines au collège et au lycée. Ils ont choisi, chacun en ce qui les concerne, leur propre voie, ils font de grandes choses aujourd’hui dans leur domaine, c’est le plus important. Je rends simplement Gloire à Dieu pour leur vie et leur épanouissement.
Lorsque vous n’êtes pas au sein de votre 2ème maison, en parlant de l’Université de Lomé bien sûr, quelles sont vos occupations, vos passe-temps favoris ?
Je suis chrétienne. J’aime être à l’église pour consacrer une partie de mon temps à la dévotion. En dehors de cela, je suis membre active, militante et responsable de plusieurs associations, Je suis et demeure très engagée dans la vie de ma communauté ce qui m’amène à être à mon « DANYI natal », pratiquement tous les weekends. Par ailleurs, j’ai été une grande sportive au temps où j’étais étudiante et la passion pour le ballon ne m’a jamais quitté quand bien même je ne joue presque plus.
Comment envisagez-vous votre retraite ?
C’est pour bientôt ! Et croyez-le, j’ai hâte d’en jouir. Je puis vous rassurer qu’elle est déjà bien préparée. Ce que beaucoup ignorent, je suis une paysanne (au sens noble du terme) et je la demeure. Je passerai une grande partie de mon temps dans mes fermes.
Quelle est votre couleur préférée ? Votre style vestimentaire favori ? Votre sport favori ? Votre plat préféré ? Votre chanson préférée ?
J’aime entre autres couleurs le vert. En revanche, je n’aime pas vraiment le jaune. Mais je suis généralement habillée en noire. Je porte beaucoup de tailleurs, mais de temps en temps, des pagnes, des boubous et presque pas de robe. Mon sport favori de nos jours c’est le basketball, plus précisément la NBA. Mon plat préféré, c’est « Akume et Ademèdessi ». Ma chanson préférée, à part les chants Gospel (Ewe, Americains et Français) c’est « Né quelque part », de Maxim Le Forestier.
Votre mot de la fin
Je voudrais d’abord vous remercier de l’occasion que vous me donnez pour partager mon expérience avec mes sœurs togolaises et d’ailleurs. Ces genres d’initiatives méritent d’être encouragés. Je suis d’ailleurs convaincue que beaucoup de togolaises ont des parcours riches atypiques et pleins d’enseignements qu’il faut retrouver et partager avec la jeunesse. Nous avons le devoir de faire découvrir à la génération montante des modèles de réussite, de sorte à leur éviter les erreurs que nous avions eues à commettre à notre temps. Ensuite, je voudrais inviter les parents à s’investir davantage dans l’éducation de la jeune fille pour éviter à cette jeunesse des déboires dont les conséquences demeurent toute leur vie durant. Enfin, je souhaite une bonne lecture de cet entretien à vos lecteurs, avec espoir que les fruits de la présente initiative tiendront les promesses des fleurs.